Kirill Serebrennikov, né le 7 septembre 1969 à Rostov-sur-le-Don, est un metteur en scène et cinéaste russe. Il termine ses études secondaires avec une médaille d’or. Son père, Semion Mikhaïlovitch Serebrennikov, d’origine juive, est médecin spécialiste en urologie de l’université d’État de Rostov. Sa mère, Irina Alexandrovna Litvine, est ukrainienne. Elle est enseignante en langue et littérature russe. Son grand-père, Alexandre Litvine, est réalisateur de films documentaires et de vulgarisation pour le studio Moldova—film (1953—1972), président de la société républicaine des amateurs de cinéma en République socialiste soviétique moldave, travailleur émérite de la république moldave (1969). En 1992, il est diplômé en sciences physiques à l’université d’État de Rostov. Avant même d’avoir terminé ses études, il fait de la mise en scène au studio d’amateurs « 69 » et à partir de 1990, il fait des mises en scènes remarquées dans différents théâtres (Théâtre « Engagement », théâtre Maxime-Gorki de Nijni Novgorod). À partir de 1991, il réalise des films pour la télévision de différents types (documentaires, publicités, téléspectacles…). En 1999, il a reçu le Prix national de la meilleure réalisation télévisée – TEFI et, en 2006, le prix du Festival international du film de Rome. En août 2012, Kirill Serebrennikov est nommé directeur du Théâtre Gogol de Moscou. Peu après sa nomination, il annonce son projet de renouveler le théâtre en un Centre-Gogol comprenant trois troupes, des programmes de projection, des concerts, des conférences et des discussions ouvertes. Ce centre est ouvert le 2 février 2013. Le 30 octobre 2014, il dirige la célébration du 25e anniversaire du holding média dans la grande aula de l’Académie des sciences de Russie. En mai 2017, Serebrennikov est l’objet de perquisitions dans le cadre d’une enquête pour détournement de fonds publics d’un montant de 68 millions de roubles (environ 1 million d’euros) de subventions publiques allouées entre 2011 et 2014 à sa troupe de théâtre, 7e studio. Mais celles-ci semblent revêtir un caractère politique ce qui lui vaut le soutien de critiques de théâtres et d’artistes à travers le monde. En août 2017, il est arrêté et inculpé pour cette affaire présumée de détournement de fonds publics. Après deux années d’assignation à résidence, Serebrennikov est condamné en juin 2020 à de la prison avec sursis, évitant ainsi la peine de 6 ans de prison ferme réclamée par le parquet. En 2022, Serebrennikov quitte la Russie peu après le début de la guerre en Ukraine pour vivre à Berlin. Toutefois, ses détracteurs lui reprochent une position ambiguë vis-à-vis du pouvoir russe. Il prend part aux actions de protestations de Stratégie-3148 et du mouvement Pour des élections justes (2011—2013). Après la deuxième guerre d’Ossétie du Sud (2008), il se dit prêt à aller manifester à Moscou avec une pancarte : « Je suis un Géorgien ». Il souligne ainsi sa réticence à se quereller avec des gens auxquels il est lié par les mêmes modes culturels, les sympathies, le cinéma, le théâtre… Il signe des lettres ouvertes demandant la libération de prison de Svetlana Bakhmina et des membres du groupe Pussy Riot. Il se prononce contre le renforcement de la législation sur les rassemblements en meetings contre la loi de 2012 interdisant aux citoyens américains d’adopter des enfants russes, et contre la limitation des droits fondamentaux des LGBT55. Il exprime son soutien au réalisateur Timofeï Kouliabine, accusé d’avoir insulté les sentiments des croyants orthodoxes en montant l’opéra Tannhäuser, faisant remarquer que le théâtre est un territoire de liberté et que les institutions religieuses et leurs représentants doivent respecter les institutions laïques. Dans une interview accordée en 2014 le réalisateur désigne la Russie sous l’expression « Le pays où l’esclavage n’a pas été aboli », où les gens ne ressentent pas la liberté, où entre le peuple et le pouvoir sans contrôle subsiste un écart énorme. Il se prononce pour l’augmentation des budgets pour l’enseignement, l’éducation, la culture en vue de freiner la croissance catastrophique de l’ignorance et de l’obscurantisme.
Selon Serebrennikov, la Russie se comporte comme une mendiante qui est devenue folle et ceux qui décident au pouvoir sont effrayés, ne veulent rien savoir et décident. En 2015, il décrit le contenu de la télévision russe comme du mensonge et de la propagande et traduit l’opinion selon laquelle le pays vit dans une réalité télévisuelle et croit aveuglément à cette réalité. Il se lance également dans la mise en scène d’opéra dont il devient rapidement l’une des références. En 2016 puis 2017, il met en scène « Salomé » à l’Opéra de Stuttgart et « Le Barbier de Séville » au Komische Oper de Berlin, reprise ensuite à Bâle en 2019, alors qu’il est assigné à résidence en Russie Il met aussi en scène un « Falstaff » au Théâtre Mariinsky, « le Coq d’or » au Bolchoï de Moscou, et « American Lulu » aux Wiener Festwochen, « Cosi fan futte » à Zurich. L’Opéra d’État de Vienne (Wiener Staatsoper) lui confie la mise en scène de son nouveau « Parsifal », l’œuvre monumentale de Richard Wagner qui passionne le cinéaste qui en fait un hymne à la liberté, tout en dirigeant la mise en scène depuis son lieu d’assignation à résidence de Moscou. La première est donnée à Vienne, sans public (en raison des règles sanitaires liées à la pandémie du coronavirus), le 11 avril 2021, et réunit les stars du lyrique Jonas Kaufmann (Parsifal pour la sixième fois), Elīna Garanča (Kundry), Ludovic Tézier (Amfortas), Georg Zeppenfeld (Gurnemanz) pour leurs prises de rôles et Wolfgang Koch (Klingsor) sous la direction musicale de Philippe Jordan. L’opéra de Munich le sollicite à son tour alors qu’il ne peut toujours pas sortir de Russie, pour la mise en scène du « Nez » de Chostakovitch. L’Opéra de Paris ouvre sa saison 2023 avec une nouvelle mise en scène de Lohengrin, sous sa direction, qui divise les critiques.